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Anaïs Gouez
Enquêtes sur les médias et les énergies
10/01/22
Carla Barreto
Fanny Proisy
Patrice Geoffron est un professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine et est aussi le directeur de l’équipe Energie Climat. Il est l’invité de France Culture pour parler de l’éventualité du fait que la France pourrait devenir, à l’avenir en 2030 leader en matière d’hydrogène vert. Cette question de l’hydrogène vert pose débat à la suite de l’annonce du 12 octobre 2021 au sujet du plan de relance massif de 30 milliards d’euros pour l’industrie par Emmanuel Macron qui souhaite en effet développer cette filière en France.

L’hydrogène est une source d’énergie présente partout autour de nous dans notre quotidien, que cela soit au niveau de la composition de l’air ou bien dans l’eau. Il est généralement produit à partir des énergies fossiles (95% de l’hydrogène produit dans le monde vient de ces énergies fossiles). On utilise beaucoup cette source d’énergie dans divers domaines tel que l’industrie par exemple au niveau de la pétrochimie avec la production d’engrais. Il y a différentes techniques pour extraire, produire l’hydrogène mais la plus répandue est celle de l’électrolyse. Cette technique consiste à séparer l’hydrogène de l’eau où elle est naturellement présente sous la forme d’H2O avec le H qui symbolise l’hydrogène. L’hydrogène et l’oxygène sont alors séparés grâce à un électrolyseur qui fonctionne à l’électricité, ce qui permet de stocker cette énergie (l’hydrogène) et par la suite de la retransformer avec une pile à combustible. L’hydrogène initialement stocké en entrant en contact avec l’hydrogène de l’air forme une combustion ce qui fait fonctionner une pile à combustible. Ce principe est notamment utilisé dans les véhicules comme on a pu le voir avec les taxis bleus à Paris. L’enjeu principal reste tout de même l’industrie même si l’hydrogène peut servir pour des questions de mobilité.

Cependant, Patrice Geoffron stipule que la production de l’hydrogène vert, c’est-à-dire de l’hydrogène produite à partir de l’électricité verte est particulièrement compliquée. L’électricité verte peut être produite à partir de l’énergie hydraulique, éolienne ou bien solaire par exemple. La manière la plus simple de produire de l’hydrogène est d’utiliser de l’électricité produite à partir d’énergies décarbonées comme le nucléaire par exemple. Or, en utilisant une électricité décarbonée, on perd l’aspect « vert », soucieux de l’environnement. On perd alors le qualificatif « vert » voulu pour la production de l’hydrogène et selon Patrice Geoffroy on serait plus vers un hydrogène jaune, c’est-à-dire pas totalement en accord avec les objectifs environnementaux souhaités. Cependant au vu de la demande future en 2030-2040, cette technique ne sera pas suffisante pour subvenir aux besoins de la population. C’est alors qu’une autre possibilité a vu le jour. Il s’agit en effet d’importer à longue distance via des gazoducs de l’hydrogène qui vient des pays du Maghreb là où l’électricité verte est assez bien développée aussi notamment au niveau du photovoltaïque. Une des priorités pour le développement de l’hydrogène verte est donc de décarboner l’industrie lourde en France.

Cependant le développement de l’hydrogène notamment dans les transports lourds comme les avions ou les bus est plus compliqué dû au poids des batteries et à certaines contraintes comme celles atmosphériques où l’on doit faire attention à la pression des bombonnes, à la chaleur. C’est pour cela que l’hydrogène a beaucoup plus été développé pour des questions de mobilités sur terre à petite échelle au niveau des voitures comme on a pu le voir avec les taxis bleus à Paris. L’hydrogène est donc de nos jours plus adaptés aux véhicules légers pour le moment en attendant le développement de cette technologie. Or ce développement de l’utilisation de l’hydrogène pour les véhicules légers nécessite néanmoins le développement d’un réseau de recharge en plus pour leur fonctionnement qui nécessite d’être déployer malgré un certain coût.
Au niveau du coût, l’hydrogène verte est deux à trois fois plus cher que l’hydrogène produite avec des énergies fossile, c’est-à-dire l’hydrogène gris. L’hydrogène vert, à l’opposé de l’hydrogène gris produit beaucoup moins de CO2 polluent davantage moins la qualité de l’air. Certes la production de l’hydrogène vert est plus coûteuse mais le fait que cela n’engendre pas des problèmes écologiques au niveau de la pollution, de la qualité de l’air, les bénéfices font baisser le coût.

En termes de coût, il est compliqué de comparer un véhicule thermique et un véhicule hydrogène car la technologie hydrogène n’est pas encore assez développée dans les véhicules (pas de production de masse, réseau de recharge pas développé). Les véhicules à hydrogène seuls ne sont pas compétitifs à cause des coûts de production de ces véhicules mêmes et des réseaux de recharge. Néanmoins ces véhicules à hydrogène peuvent être compétitifs au niveau des flottes comme les flottes de taxis bleus à Paris ou bien au niveau des services publiques comme La Poste qui ont besoin de véhicules pour leurs déplacements. Au niveau de ces services, ils auront donc des véhicules à hydrogène et des réseaux de recharge au sein même de ces services ce qui permet une meilleure organisation des mobilités au niveau de la circulation et un réseau de recharge propre à eux. Le fait d’avoir leur propre réseau de recharge permet ainsi aussi de réduire les coûts engendrés par l’hydrogène et sa production.

D’autre part, les grandes entreprises et les PME veulent eux aussi investir dans cette filière prometteuse de l’hydrogène. Ainsi, cet intéressement de la part des grandes entreprises pour l’hydrogène est avant tout une valeur ajoutée pour cette filière car cela produira des emplois par exemple mais aussi de la richesse pour ces entreprises et l’économie en généralement. C’est notamment le cas de plusieurs grandes entreprises telle que Total, Engie ou bien Air Liquide. Tout cela permettra de créer des gigas factory, c’est-à-dire des grandes usines de production d’électrolyseurs qui permettent de produire de l’hydrogène à partir de l’électricité. Il faudrait pour réussir à produire cet hydrogène coopérer avec certains pays européens. L’hydrogène devient ainsi une question européenne. Cette coopération européenne va avant tout permettre d’éviter le monopole de la Chine en matière d’équipements comme dans le passé avec la production photovoltaïque. C’est un vrai enjeu de coopération entre les pays européens pour que la production reste européenne et française.
L’institut MOMENTUM, un laboratoire d’idées français réunissant des chercheurs, journalistes et ingénieurs, propose des prospectives à des problématiques reliées à l’anthropocène, aux politiques de décroissance, au risque de l’effondrement et à la collapsologie. Agnès Sinaï, fondatrice de l’institut, journaliste environnementale, Yves Cochet, ancien ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement et chercheur au MOMENTUM et Benoît Thévard, ingénieur en génie énergétique et chercheur au MOMENTUM développent un rapport sur les biorégions en 2050.
En 2017, la SCNF questionne l’institut MOMENTUM et une équipe de géographes professionnels de Paris 1 de développer une projection en 2050 à propos de la mobilité dans la région Ile-de-France. Ainsi, à travers une colloque européenne, Agnès Sinaï et Yves Cochet résument leurs différents scénarii face à cette question en développant le principe de biorégion et en se demandant s’il est possible de bien vivre en IDF en 2050, sans voitures.
Yves Cochet et Agnès Sinaï développent plusieurs scénarii basés sur la séparation de l’IDF en 8 biorégions suite à un grand effondrement provoqué par des dérèglements climatiques en 2050. Ainsi, ils questionnent les différents approvisionnements énergétiques notamment des énergies fossiles, point essentiel pour les mobilités, et l’organisation sociale et économique de ces nouveaux territoires.

Ainsi, ils développent cinq hypothèses basées sur une évolution discontinuiste, composée de beaucoup de ruptures. Tout d’abord, l’Ile-de-France perd la moitié de sa population due à un exode urbain, lié à une volonté politique. Il y a une rupture démographique, liée à des épisodes de famines, d’épidémies et de guerres civiles. Puis, la société s’organise différemment : l’ONU et la République française auront beaucoup moins d’impacts par rapport à aujourd’hui, les décisions politiques principales seront prises par les biorégions. Ensuite, il y aura une descente énergétique : la consommation d’énergie sera divisée par cinq par rapport à aujourd’hui. Aussi, il y aura un grand impact sur les emplois : il y a une grande hausse d’emploi dans le secteur primaire : on passe de 10 000 emplois à 3 millions. Enfin, cela impact aussi les transports : sont développés les transports de basse technologie / low-technologie, tels que le vélo, à pieds, les trains biorégionaux (à vocation multiples) ou à pieds. Pour élaborer ces hypothèses ils se sont basés sur des projections climatiques (notamment du GIEC) et prennent appuis sur des théories de collapsologies (notamment en prenant en référence Joseph Tainter pour The Collapse of Complex Societies).

Ainsi, ils proposent des scenarii lié à la pénurie d’énergies fossiles (pétrole) et la fin des énergies thermiques. La descente énergétique mène à une réduction des déplacements et aux changements des moyens de transports. Il n’y a plus de mobilité automobile individuelle, elle est remplacée : pour des déplacements de moins de 10 kms par la marche, le vélo, les animaux (chevaux), et pour les déplacements de plus de 10 kms par des véhicules partagés (en biogaz principalement) et des trains à vocations mixtes, des trains vicinaux, c’est-à-dire qui transportent des usagers et de la marchandise, mais avec une baisse de puissance de motrices.
Cette pénurie impacte énormément l’organisation sociale : elle mène à une perte de beaucoup d’emplois (notamment pour ceux travaillant dans de grandes infrastructures nécessitant beaucoup d’électricité comme les grands bureaux de la Défense). Il y a une optimisation et une réhabilitation des transports. La production d’électricité est réalisée à l’échelle locale, avec la favorisation des énergies fossiles et l’énergie nucléaire, et non des énergies renouvelables qui sont fluctuantes donc instables.
Les questions des énergies et du climat impactent la société. Pour établir ces différentes hypothèses ils se sont donc basés sur les rapports sur le climat : des épisodes de chaleurs, en plus d’une modification des emplois, mène à un exode urbain vers des régions plus tempérés donc moins denses. Le rapport au monde des citoyens change : les emplois sont différents, l’éducation des enfants aussi (notamment avec leur rapport à l’animal, qui remplace certains moyens de transports). La séparation du système en 8 biorégions est associée sur une volonté de dédensifier les territoires, de les ruraliser et d’y développer la permaculture (et donc de diversifier les fonctions). On dédensifie les territoires en déconcentrant paris intramuraux. On ruralise en créant des micro-fermes, en rendant accessible à tous les jardins, dans une politique de coopérative, de partage, d’échanges, et on souhaite développer la permaculture en fragmentant les monocultures, en créant des parcelles de polycultures. Les paysages sont transformés : le développement de la permaculture change radicalement les territoires : les parcelles agricoles sont densifiées, plus nourricières, et les forêts et les bois reprennent du terrain : il y a un réensauvagement de l’IDF. Cette réforme totale du système agricole a pour but de créer des biorégions autonomes, autosuffisante dans le domaine de l’alimentaire.
Toutes ces hypothèses répondent à une question de survie, menacée par le climat et les ruptures énergétiques. Le système agricole est réformé, mais il y aussi une réorganisation de la société. La présence de certains transports est optimisée : les trains vicinaux transportent aussi des marchandises agricoles et de nouvelles lignes, qui existent déjà mais qui ne sont pas utilisées, sont donc réhabilitées.
Il y a donc le développement d’une politique, basé sur la mise en valeur du régional : il y a une solidarité basée sur un principe démocratique (chacun a le droit à un minimum : tout le monde bénéficie d’un même quota d’énergie, il n’y a pas d’inégalité), mais aussi sur le partage et l’échange.

Ainsi, Agnès Sinaï et Yves Cochet propose une prospective, une vision du futur, à travers une approche quantitative sur les énergies, mais aussi une approche humaine et territoriale suite à un effondrement systémique mondial. Ils ne donnent pas de solutions face à la grande question « peut-on vivre en IDF en 2050 ? » mais donnent plusieurs propositions face à de nombreuses ruptures, jusqu’alors jamais vécues, impactantes, qui réorganisent la société, questionnent la consommation et l’utilisation des énergies. Dans cette prospective ils développent donc l’idée d’une situation viable, avec une transformation des espaces.

Pablo Servigne est un chercheur en collapsologie indépendant français, auteur et conférencier, né en 1978. Il est ingénieur agronome de Gembloux Agro-Bio Tech (Belgique) et docteur en sciences de l’université libre de Bruxelles (ULB).

Il nous présente dans cette conférence de 2018, le fruit de ses recherches gravitant autour du questionnement de notre mode de vie basé sur l’utilisation des énergies fossiles. Elle a lieu dans l’université SupAgro de Montpellier, donc face à un public directement concerné par le sujet car destiné à faire partir du milieu agricole. Pablo Servigne dit avoir pour but de partager ses connaissances au plus grand nombre et énonce dès le commencement qu’il souhaite poser des pistes afin de pouvoir en débattre par la suite.


Agriculture post pétrole: les risques et menaces

En 2014, Pablo Servigne s’est posé la question : Quel est l’avenir de nos systèmes alimentaires européens? Sont-ils résilients?
Il s’est penché sur une étude qui compare la consommation alimentaire de plusieurs familles “classiques” de pays partout dans le monde. Il a fait le constat que plus il s’agissait de pays développés, plus les produits consommés étaient basés sur une consommation industrielle de produits hyper transformés, à l’opposition de pays comme la Libye où la nourriture était majoritairement en en vrac.
Nos sociétés actuelles reposent sur une agriculture ultra mécanisée, automatisée, basée sur l'homogénéité, qui consomme énormément d’énergies fossiles, et sur une industrie d’extraction d’engrais et de phosphates, toutes deux basées sur un processus industriel linéaire. Ces processus sont étendus au niveau mondial dans des chaînes d'approvisionnement très longues pour la commercialisation et la mondialisation. Pour fonctionner, ce système alimentaire mondial consomme des énergies fossiles : pétrole, charbon, et gaz naturel. Ces énergies sont consommées dans les nombreux transports pour la transformation et la distribution des aliments, ainsi que pour le transport et traitement des déchets. Pablo Servigne nous explique que ce sont des énergies denses, concentrées et riches. Pour mieux visualiser, il nous dit que cinquante litres d'essence en joule équivalent à quatre ans de travail humain en moyenne, et qu’un baril de pétrole vaut douze ans et demi de travail humain. Ainsi, nous aurions besoin de cinq cent esclaves énergétiques chacun au quotidien pour nous nourrir, nous chauffer,etc.
Il s’agit donc d’une énergie précieuse que l’on brûle très vite, toute notre société est basée dessus et en dépend. Comme preuve, des études ont montré que le prix du pétrole est très corrélé au prix alimentaire, ce fût le cas lors de la crise des subprimes.
Or, la production d’énergies fossiles décline et la demande augmente, nous faisons face à un décrochage entre l'offre et la demande.
De plus, si l’on brûle l’entièreté de nos ressources fossiles, nous sommes sûrs de faire face à de grandes catastrophes climatiques. Ensuite, en observant le taux de retour énergétique sur plusieurs années, on constate qu’au début, il était très facile d'extraire le pétrole (un baril dépensé équivalait à cent barils produits), mais quatre-vingt-dix ans après, le rapport de est de 1/35 et 1/12 au Etats-Unis. Il est donc de plus en plus difficile d’extraire du pétrole. Hors, c’est un des piliers fondamentaux de notre société. Le problème est thermodynamique et financier, car ces deux piliers très fragiles fonctionnent en corrélation, si l’un s'effondre l’autre le suit. Le pétrole n’est d’ailleurs pas la seule ressource qui vient à manquer. D’autres minerais rares et importants s’épuisent comme l’argent ou le lithium.
Pour atteindre la puissance générée par des énergies fossiles, nous aurions besoin de quinze fois plus d’éoliennes. Et la construction de fermes solaires et d'éoliennes nécessiterait la production de quinze fois plus de béton, quatre-vingt-dix fois plus d'aluminium, et cinquante fois plus de verre, de cuivre et de fer. Or, nous manquons de sable mondialement pour faire du béton.
Ensuite, pour 50% avoir de chance de maintenir le réchauffement climatique en dessous de de deux degrés, il faudrait avoir construit pour 2028, quarante fois plus d’éoliennes.
Le constat est que nos systèmes alimentaires dépendent du pétrole et que bientôt il n'y en aura plus. Par conséquent, cela marque la fin proche de nos systèmes alimentaires industriels.
Mais comment nous nourrir dans de telles conditions? D’après Pablo Servigne, nous ferions face à cinq problèmes majeurs:
Nous consommons toujours plus. Nous sommes entrés dans l'époque de l'anthropocène et sommes sortis de celle de l'holocène.
Cette dynamique s’accélère.
-La terre répond par des catastrophes, elle est fragilisée
Les dirigeants font face à des verrouillages. Ils doivent résoudre les problèmes créés par les générations précédentes.
-Les risques sont liés, le monde est imprévisible et instable.

Les systèmes sont interconnectés et créent un effet domino. En 1972, le MIT a observé la dynamique des systèmes : plus la croissance de la population est exponentielle, comme celle de la pollution, de la production alimentaire, de l’économie et plus les ressources non renouvelables s'épuisent. Ils ont alors fait le constat que l’on continue sur cette trajectoire, on va vers un effondrement de la société dans la première moitié du XXI ème siècle.
Les scientifiques étudient les signaux avant-coureurs de cet effondrement. Une étude sur la “planète étuve” montre que pendant des milliers d'années, la Terre oscillait entre période glaciaire et interglaciaire, des périodes très stables. Aujourd’hui, nous avons perdu cet équilibre car nous sommes pris dans un enchaînement que l'on ne peut plus stopper à moins de changer drastiquement notre mode de fonctionnement de façon coordonnée. En imaginant même que l’on y parvienne, nous serions stabilisés à +2°C, ce qui est trop.
Nous avons alterné le système Terre de manière irréversible, ce qui nous mène à un effondrement systémique global. Nous sommes face à une impasse: si l’on arrête de consommer des énergies fossiles, notre société économique actuelle s’effondre; mais si l’on continue, l’effondrement sera encore plus violent.

Que faire alors?

Nous disposons de quelques marges de manœuvre pour se mettre en mouvement:
Une meilleure gestion de notre alimentation au niveau micro et macro.
Il faut arrêter de gaspiller (la moitié de la production alimentaire mondiale est gaspillée), et changer notre alimentation (arrêter de manger de la viande et du sucre, de mauvaises graisses, etc) pour réduire la production.
L’humanité sait gérer les pénuries.
Par exemple, dans les années 1990, Cuba, qui était allié aux soviétiques, à vécu une expérience grandeur nature de l'effondrement lors de la fin du bloc soviétique. Alors qu’il était très industrialisé, le pays a dû se débrouiller (chaînes du froid rompues, pénurie de camions, etc). S’est ainsi développée l'agriculture biologique en ville de manière intensive en main d'œuvre.
L'entraide, clef de notre survie.
En milieu hostile, les individus d’une même espèce s’entraident pour survivre. C’est le cas par exemple des manchots qui se réchauffent mutuellement. Mais ce principe ne fonctionne pas dans notre société d'abondance actuelle. Puisque que nous avons des esclaves énergétiques, nous n’avons pas besoin de notre voisin. Or, nous sommes une des espèces les plus sociales car nous ne pouvons pas survivre seuls. Ainsi, il faut déconstruire les mythes selon lesquels en milieu hostile notre réflex est la panique et la loi du plus fort règne. Il est nécessaire de coopérer et de se défaire de cette culture de l’égoïsme lorsque nous entrons dans une période de pénurie.
La vision que l'on a du vivant
La permaculture est une méthode de conception de systèmes humains soutenables empruntant des motifs de la nature. Pablo Servigne prend l’exemple de Perrine et Charles Hervé-Gruyer pour démontrer son efficacité. Installés en Normandie sur des terres très peu fertiles, les deux agriculteurs ne parvenaient pas à produire malgré leur formation en biologie. Ils ont alors appliqué les principes de la permaculture et de la micro agriculture intensive. Les résultats sont probants: ils produisent beaucoup, en intensif, sans produit chimique, presque sans mécanisation, en stockant du carbone et génèrent de l’argent. Cela nous apprend que lorsque l’on va dans le sens des principes du vivant, on crée de l'abondance et c’est le contraire si l’on va à l'encontre de ceux-ci.
De ce fait, Pablo Servigne établit trois piliers pour intégrer la permaculture à nos sociétés:
La tête: la permaculture est intensive en connaissance car elle est complexe
Les mains: elle nécessite de la main d’oeuvre pour produire plus sur de plus petites surfaces, mieux cultivées
L’arbre, il est vu comme un obstacle aujourd’hui, alors qu’il améliore la biodiversité et est source d’abondance et de fertilité des terres

En conclusion, le défi est difficile car il faudra produire de la nourriture, réparer les écosystèmes et produire de l'énergie, cela sans pétrole et avec un climat instable. Or, l’agriculture est basée sur des prévisions. Cependant, si une puissance de la nécessité vient du peuple et rencontre la volonté des puissances autoritaires, on passera vers une transition majeure. Aujourd’hui en Europe nous n’avons ni l’une, ni l’autre.

Une lourde vérité
Au-delà de l’aspect scientifique, les collapsologues se questionnent sur la manière dont l’on peut accueillir cet effondrement. D’après Pablo Servigne, nous passerons par plusieurs étapes: le déni, la colère, la peur, la tristesse puis l’acceptation. Ce n’est qu’à l'issue de ces étapes que l’on peut commencer à imaginer la suite: Faut-il coloniser mars ou installer des potagers urbains? Alors nous vers un monde de progrès ou vers l'apocalypse? En effet, l’imaginaire est primordial car il permet de passer de la survie à la vie.
Patrice Geoffron - Hydrogène
Yves Cochet - Biorégion 2050 SNCF
Pablo Servigne - Avenir sans pétrole ?


Bruno Latour dans cette conférence stipule que la crise environnementale exerce une certaine influence sur notre société. En effet pour démontrer son idée, il part du principe de la mutation, un principe présent dans l’histoire de notre société. Selon lui, notre société est en constante mutation à travers les siècles, nous passons d’un monde à l’autre sans arrêt. Ces mutations nous questionnent sur notre rapport au monde et notamment à l’écologie. Pour exprimer cette idée, Bruno Latour se base spécialement sur notre rapport à l’écologie et donc à celui de la crise environnementale.

Cependant on ne peut pas parler de mutation radicale sinon on aurait vu les changements dans notre société au niveau écologique. Si on parlait de mutation radicale au niveau écologique notamment, on aurait déjà agi face à la menace de la crise climatique depuis déjà une trentaine d’années. On aurait changé nos habitudes de vie, de consommation, d’adaptation pour ainsi éviter tout problème climatique dans le futur. Dès qu’une menace aurait été écartée, on chercherait des solutions pour contrer un menace climatique future. Ainsi, on aurait dû être ceux qui aurait pu agir et non compter sur la génération suivante, la nouvelle génération à qui on laisse la lourde tâche de résoudre ces problèmes d’ordre climatique.

Le problème de la crise climatique au fil des ans a beaucoup été repoussé alors que de nombreuses preuves scientifiques notamment stipulaient qu’on devait agir le plus tôt possible mais ce ne fut pas le cas. On était conscient de ces problèmes mais on n’agissait pas. Cela démontre le fait que le principe de mutation établit par Latour n’a pas eu lieu dans nos changements d’habitude et même trop tard.

Dans la suite de cette idée d’influence de la crise environnementale sur notre société, Bruno Latour nous parle des climato-sceptiques. Les climato-sceptiques voient des complots partout au niveau de l’écologie et certains pensent que les informations au niveau environnemental sont fausses voire manipulées. Selon eux, il n’y a pas de problème environnemental. À l’opposée, il y a les catastrophistes qui eux paniquent à tout problème climatique, ils les dramatisent. Selon l’auteur, on n’est pas face à une crise environnementale car elle est définitive, ce n’est pas que pour un certain temps, on doit y faire face. La situation climatique se dérègle mais on ne peut pas faire autrement, il faut vivre avec tout en essayant de l’atténuer au maximum.




Dans un second temps dans cette conférence sur l’instabilité de la notion de nature, Bruno Latour met en lumière un nouveau concept qui est celui de la Nature/Culture. Au début de son explication du concept, il sépare les deux thèmes de celui-ci pour mieux l’expliquer. Ainsi, tout d’abord, il explique que l’homme par principe appartient à la nature. Il fait partie d’un « monde naturel » auquel il doit se conformer. Cependant on dit que l’homme est un être de culture ce qui s’oppose à l’idée même de nature. On assimile le fait que l’homme appartient à la nature à l’animalité, ce qui est à l’opposée de l’homme, de l’être humain. Or avant d’être un homme culturel, l’homme était un être naturel aux limites de l’animalité notamment durant la période préhistorique. Selon l’auteur « le retour à la nature » est « compris comme un « retour à l’âge des Cavernes » », ce qui naturellement fait peur aux gens de la société.

Dans un autre temps, l’auteur stipule qu’on ne peut pas séparer ces deux termes pour les expliquer, ils sont indissociables, ils font parti d’un seul et même concept. Afin d’expliquer le lien de ces deux termes dans ce concept, Bruno Latour illustre son idée par l’exemple de la nature morte dans l’art. Selon lui, tout est question de point de vue. On a besoin de l’ensemble des éléments, points de vue pour comprendre par exemple ici la nature morte. Cette idée-là fonctionne donc aussi parallèlement au concept Nature/Culture où il faut avoir les deux termes ensemble pour le comprendre. Ce qui explique la complexité de l’expression « appartenir à la nature » puisque la nature et la culture sont étroitement liées ici.

Ce concept peut aussi être appliqué au niveau écologique. En effet, l’écologie oblige à subir l’instabilité de ce concept. L’opposition nature/culture est véridique dans le monde réel et peut donc être transposée au niveau environnemental.

Lorsque qu’on parle d’un produit naturel, l’appellation « naturel » peut être trompeuse et on est plutôt face à une autre façon d’être artificiel. Il n’y a pas de naturel sans retour à la nature. Pour rendre un produit naturel, on fait preuve d’artifice pour qu’il soit « naturel », il n’y a pas de vrai produit naturel sans l’intervention humaine. Le naturel est ce qui est là sans plus donc sans artifice.





Dans un dernier temps dans cette même conférence, Bruno Latour fait le lien entre l’écologie et le « monde naturel » qu’il a évoqué précédemment dans sa réflexion. Tout d’abord, il stipule que c’est grâce aux climato-sceptiques et leur manque de confiance face à toutes les sciences qu’on a pu remarquer l’instabilité de l’expression « monde naturel ». C’est grâce à eux qu’on a pu accéder à des découvertes scientifiques de petits scientifiques au sujet des problèmes climatiques qu’on fait face.

Dans les années 1990, de grandes entreprises ont voulu faire taire les preuves de l’origine humaine des mutations climatiques car elles sont en partie responsable de ces problèmes climatiques et les autorités politiques auraient pris des mesures contre elles. Elles ont fait pression avec leur pouvoir haut placé pour que ces chiffres, faits ne sortent pas au grand public. Le public voudrait que la réglementation environnementale des entreprises change et soit plus respectueuse de l’environnement pour préserver la planète. Si ces faits étaient sortis au grand public, on aurait su que les mutations climatiques, problèmes climatiques étaient dus aux émissions de CO2 et les autorités auraient pris des mesures pour apaiser les inquiétudes du grand public.

D’après Franz Luntz, l’inventeur de l’expression « changement climatique » à la place de « réchauffement climatique », il faut en quelque sorte manipuler le public au niveau des chiffres, faits scientifique en les signifiant de non conclusives pour qu’ils pensent qu’il y aura une certitude scientifique. Ainsi, leur façon de voir les problèmes climatiques va en quelque sorte muter en fonction de ces certitudes scientifiques. La certitude scientifique a permis d’un autre côté au grand public de douter des climatologues. Cela a donné de nombreuses controverses telle que le fait que les climatologues font partis d’un lobby, la science du climat est incertaine et l’écologie est une entrave à la modernisation de l’humanité.

Les climato-sceptiques ont montré que les autorités et les grandes entreprises oscillent entre nier les faits au niveau des problèmes climatiques et limiter le débat des faits climatiques car ils ne veulent pas agir. Les climatologues jouent entre la charge morale et politique, ils n’arrivent pas à choisir entre ces deux camps. Désormais, les climatologues sont plutôt vus comme des illuminés, des catastrophistes qui dramatisent tout et les climato-sceptiques sont vus comme des savants qui savent où aller. Ainsi, on a l’impression que les rôles sont inversés.

Bruno Latour, Instabilité de la notion de nature
03/01/22
Bruno Latour est un sociologue, anthropologue et philosophe des sciences français. Dans Sur l’instabilité de la (notion de) nature, il met en avant la place de la science dans la citoyenneté. Tout d’abord, la science impacte les citoyens. Puis, la science est proche de la citoyenneté : il y a une proximité du domaine de la nature et de la culture. Enfin, la science peut apporter une meilleure compréhension sur notre rapport au monde.




Tout d’abord, la science impacte les citoyens. En effet, « L’écologie rend fou » : d’après ces mots de Bruno Latour on observe que l’écologie est une préoccupation omniprésente qui se traduit par un impact moral sur chaque citoyen.

L’écologie est la science ayant pour objet les relations des êtres vivants avec leurs environnements ou entre eux-mêmes. Notre monde est frappé par une crise écologique mondiale, déclarée suite à de nombreuses alertes. Cette crise écologique change notre rapport au monde. Ce n’est pas une crise passagère mais une crise durable, qui menaçait les générations passées, qui menace la génération présente et qui menacera les générations futures. Bruno Latour l’appelle : « mutation écologique ».
Cette crise, cet événement scientifique, change notre rapport au monde en nous affectant tous individuellement en menaçant la biodiversité, nos territoires, c’est-à-dire notre monde. Elle remet en question nos façons de consommer, de vivre, mais elle questionne aussi la notion de futur, à travers des schémas catastrophiques.

Chaque citoyen est face à cette crise et face à des éléments prouvés, des faits, énoncés par des scientifiques, et chacun réagit différemment : en les croyant, en les remettant en cause, en les ignorant, que ce soit par dénégation, par déni, notamment avec des climato-sceptiques, ou par abandon. Pour la plupart cette crise créé un sentiment de peur, d’angoisse et peut créer des phases de dépression. Les scientifiques sont associés à des diseurs de catastrophes et non plus à de ‘simples’ chercheurs. La crise est devenue une préoccupation mondiale. Cependant, comme depuis toujours, ces changements climatiques existant depuis longtemps, les alertes ayant été lancées autrefois, il y a un stoïcisme de la part de tous. Ce stoïcisme ancien crée un sentiment d’abandon, d’espoir ou au contraire de déni (cela peut se traduire dans l’extrême par la pratique de la géo-ingiénerie ou du mouvement de climato sceptiques). Il est trop tard pour agir, pour réagir, il y a eu une altération de notre rapport au monde.

Bien qu’il n’y ait aucune action, l’omniprésence de cette mutation montre que chaque citoyen se sent concerné et responsable de ce qu’il se passe dans le monde, il y a un sentiment d’appartenance. Cette crise questionne nos actions, notre rapport au monde, nos devoirs et tout cela se traduit par un impact moral.





(LAROUSSE)
Nature : Le monde physique, l’univers, l’ensemble des choses et des êtres, la réalité.
Ensemble des principes, des forces, en particulier de la vie, par opposition à l’action de l’homme.
Ensemble des caractères, des propriétés qui font la spécificité des êtres vivants.
Ensemble des caractères, des tendances, des traits constitutifs de la personnalité profonde de quelqu’un.

Culture : Ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation.
Dans un groupe social, ensemble de signes caractéristiques du comportement de quelqu’un (langage, gestes, vêtements, etc.) qui le différencient de quelqu’un appartenant à une autre couche sociale que lui.


Puis, la science est un domaine proche de la citoyenneté. On acquiert le statut de citoyen lorsqu’une personne est reconnue et dispose de droits. Cependant, une personne se définit par sa nature et sa culture, mais ces deux domaines sont indissociables.

Il y a une corrélation entre les domaines de « nature » et « culture ». En effet, ces deux termes ne peuvent exister seuls. Il y a une nécessité de définir l’un pour définir l’autre. Le domaine de « nature » relié à la culture, est souvent utilisé pour critiquer des comportements humains ou des choix culturels, notamment avec l’expression « contre-nature ». Ici l’appellation « nature » n’est pas neutre, elle est influencée par la culture et est souvent associée à une idéologie. La nature renvoie à ce qu’il y a de plus artificiel. Rapprocher l’homme, le citoyen, à la nature, ne peut être possible car dans la culture occidentale l’homme doit se distinguer de la nature. Un humain est définit en tant qu’être culturel, cependant, il faut donc définir l’aspect naturel afin d’obtenir une définition plus juste. Omettre la nature pour définir la culture n’a pas de sens : la culture ne peut exister si la nature est omise.

Ainsi, Bruno Latour explique que lorsque pour contrer cette mutation écologique, certains prônent un « retour à la nature », ceci relève d’un non-sens : mais qu’est-ce qu’un retour à la nature ? Revenir au naturel pour lutter contre cette crise écologique, cela signifie qu’il faut redevenir à un stade primitif animal ou simplement l’homme est déjà au naturel et il doit prolonger son existence, ses progrès. Cette crise écologique questionne donc le rapport de l’homme à la nature. Quelle place à l’homme dans nature ? Le domaine de la nature et le domaine de la culture composent donc un unique concept : les utiliser en tant que domaines altère leurs sens. Un retour à la nature implique un lien entre l’Homme et la nature, il y a un sentiment d’appartenance. « L’Homme appartient à la nature » : indiquerait qu’il fait partie du monde naturel et qu’il doit s’y plier. Pour définir ce sentiment d’appartenance à la nature il faut définir la culture et l’entre-deux.

Cette incapacité à savoir réagir face à cette mutation écologie provient donc de notre incapacité à définir ce concept de Nature/Culture. Ce qui relève de la nature, de la science et ce qui relève de la culture sont donc intimement liés et insécables.







Alors que la mutation écologique altère notre rapport au monde, la science, ou plutôt les scientifiques, peuvent apporter aux citoyens une meilleure compréhension du monde et ainsi, un meilleur rapport au monde.

La communication de faits est essentielle afin de questionner des citoyens sur leurs rôles de citoyens. La communication scientifique se fait essentiellement à travers des mots, qui relatent des faits. Mais le choix des mots est essentiel. Ils peuvent créer un grand impact (notamment en remplaçant « changement climatique » par « réchauffement global ») ce qui peut plus sensibiliser les citoyens ou au contraire ne créer aucun impact par l’usage de mots neutres. Ils doivent aussi fait acte d’une cohérence scientifique (ce qui parfois peut-être compliqué car avec les avancées technologiques, les données scientifiques se précisent au fil du temps, et donc peuvent se contredire). Ainsi, les scientifiques sont des modèles de vérité, car ils décrivent des faits. Pour plus de crédibilité, se doit d’être effacée toute dimension politique de leurs messages. En effet, toute dimension politique peut remettre en cause leurs descriptions, leurs paroles. Ils se doivent d’avoir une position neutre.

Des événements sociétaux décrits par des scientifiques peuvent permettre une meilleure compréhension du monde qui nous entoure, ainsi donc que notre rapport au monde. Des scientifiques ne font qu’énumérer des faits, parfois en prenant parti. Par exemple, lorsqu’ils décrivent des faits, les causes et conséquences (ici le réchauffement climatique est provoqué notamment par les activités industrielles) cela mènent à montrer les responsables, et à appeler à agir.

Cependant, s’ils ne font que décrire des événements, de la manière la plus juste et neutre qui soit, cela peut avoir un impact sur les citoyens. Si la science est neutre, elle ne peut être que difficilement remise en question. Ainsi, les événements qu’elle relate, qu’elle dénonce, telles que les conséquences du réchauffement climatique, peuvent faire écho aux modes de vie des citoyens, eux questionnables. Cependant, la science résonne avec la morale. Bien que les scientifiques se doivent d’être neutres, lorsqu’il y a une incitation à la réaction, un scientifique se voit influencé par ses valeurs, sa morale, qui donne une tout autre dimension à la communication de faits. Remettre en question toute une façon de consommer, de vivre, au profit de faits, peut paraitre compliqué. Face à une situation de crise nous restons stoïques, inactifs alors que nous pourrions réagir en changeant notre vie de citoyens.



Les journaux ont pour habitude de désigner comme une “crise écologique” l’ensemble des catastrophes écologiques que nous vivons: stérilisation des sols, fonte des glaces, augmentation constante du taux de CO2 dans l’air, etc. Hors, les crises se répètent trop souvent pour être qualifiées comme telles. En effet, selon Bruno Latour, parler de “crise” n’est qu’un moyen de se rassurer, laissant penser que cela passera, qu’il s’agit d’une période qui connaîtra donc une fin. Il serait ainsi plus juste de parler de “mutation”, car notre monde évolue et ne sera plus comme il l’a été.
L’adjectif “écologique” lui aussi pose problème, car il a tendance à nous mettre à l’écart, comme le principe d’environnement. Ils semblent hors de notre portée, trop obscurs sauf aux yeux des experts. Hors, aujourd’hui les problèmes environnementaux nous touchent tous. Il est donc nécessaire que nous changions nos habitudes de consommation. C’est pourquoi il faudrait en réalité parler de profonde mutation de notre rapport au monde plutôt que de crise écologique, d’après Bruno Latour. Hors, ce n’est pas le cas. L’humanité fait preuve de stoïcisme, elle ne change pas radicalement de mode de production, ni de consommation. Peut-être que si nous avions agi rapidement en temps de crise, il y a de cela trente ans, celle-ci aurait pu être passagère. C’est pourquoi, elle s’est transformée en une “profonde altération de notre rapport au monde”, nous explique Bruno Latour.
Trop pris par d’autres priorités au XXème siècle, telles que des guerres mondiales, nous n’aurions pas suffisamment prêté attention à l’ampleur que prenaient les catastrophes écologiques. Pourtant, des documents prouvent que déjà pendant “l'ère industrielle”, nous avions conscience des désastres écologiques. Bruno Latour souligne le fait que cela soit d’autant plus étonnant du fait que l’Homme applique le plus souvent un “principe de précaution”, comme un réflexe dès qu’il est question de son bien être ou de celui de ses proches. Hors, en l'occurrence, en ce qui concerne l’urgence écologique, l’Humanité ferme les yeux face au danger.




Il existe plusieurs réactions, toutes aussi folles les unes que les autres d’après Bruno Latour, face à la dure réalité des mutations climatiques.

Le déni
Certaines personnes sont tout à fait calmes face à l’urgence climatique car elles sont persuadées que les données scientifiques sont manipulées, ou du moins exagérées par ce qu’elles appellent les “catastrophistes”. Elles continuent ainsi de vivre sans changer leurs habitudes, soutenues même par certains intellectuels, des journalistes et des experts. Les plus passionnés sont appelés climato-sceptiques ou climato-négationnistes. Ils croient en la théorie du complot selon laquelle la question écologique ne serait qu’un moyen fourbe d’imposer le socialisme aux Etats-Unis.
Cette forme de folie comme l’appelle Bruno Latour est cependant plus répandue dans sa version plus douce, dite quiétiste. Il utilise la métaphore d’alarmes (symbolisant les urgences écologiques) que les climato-quiétistes auraient débranchées pour profiter de leur sieste dans le déni.

L’hubris
En grecque ancien, l’hubris désigne la démesure et l’orgueil. D’autres personnes, en opposition aux climato-sceptiques, paniquent au retentissement des alarmes. Le problème est qu’ils voient la planète comme une “vaste machine déréglée” qui faut contrôler encore plus pour la réparer. C’est ce qu’ils appellent la géo-ingénierie, une volonté de dominer totalement une nature conçue comme rétive et sauvage. Ils souhaitent soigner le mal par le mal en modernisant encore plus un monde détruit par la modernisation.

La dépression
Certains, plus nombreux, sont conscients des catastrophes climatiques mais se sentent impuissants face à elles. Ils observent les changements que nous subissons sans pour autant pouvoir prendre de mesures radicales. Ils s’enferment ainsi dans leur mélancolie, furieux seulement de voir que certains sont plus fous qu’eux.

L’espoir d’une solution raisonnable
D’autres, plus optimistes, pensent qu’il n’est pas trop tard. D’après eux, l’action collective peut encore sauver les pots cassés. Ils estiment qu’en connaissance de causes et avec des décisions rationnelles, les menaces pourraient être écartées. Mais leur espoir ne peut durer longtemps d’après Bruno Latour.

La fuite au désert
Enfin, il désigne une cinquième catégorie dans laquelle il se situe, plus à part: les personnes qui choisissent de vivre dans l’isolement presque total pour trouver d’autres moyens d’écarter leurs angoisses. Ils sont le plus souvent activistes, naturalistes ou artistes, etc. L’isolement leur permet d’échapper aux “symptômes” énoncés plus haut.

Pour conclure sur la “folie” que provoque l’écologie, Bruno Latour insiste sur le fait que nous ne sommes pas dans une crise, que notre situation est définitive. Alors, il faut apprendre à bien vivre avec nos maux sans espérer en guérir.




Pour apprendre à s’adapter à son environnement, l’humain doit questionner son rapport au monde. Chaque crise écologique lui rappelle qu’il “appartient à la nature”. Hors, ce fait est compliqué à assimiler car l’humain est un être culturel, c’est ce qui le distingue du monde naturel. C’est pourquoi, considérer la crise écologique comme un “retour de l’humain à la nature” effraie, car la nature est associée à l’animalité brute et à l’âge de pierre. Nous nous pensons comme des êtres culturels avant d’être des êtres naturels, mais c’est le contraire.
Tout le problème démarre avec l’expression “rapport au monde” qui oppose la nature et la culture tout en les rendant inséparables. L’humain est ce qui échappe à la nature mais il ne peut pas totalement échapper à ses contraintes. Bruno Latour nous explique alors que la nature et la culture ne sont pas deux domaines distincts mais deux parties d’un même concept. Il comparent les termes “nature” et “culture” à “homme” et “femme”, l’homme et la femme peuvent être désignés par un terme “non-codé” qui les relie: l’humain. Or, il n’existe pas de terme pour fédérer “nature” et "culture'' à la fois. Il choisit donc de désigner ce concept par la “Nature/Culture”.
Il fait une autre comparaison avec l’art. Lorsque nous nous tenons face à un tableau, notre regard est influencé par la disposition de l'œuvre. Il y a un objet, un sujet et entre les deux se tient le plan du tableau. Le rôle de l’objet est d’être vu par le sujet. Il est conçu pour le sujet et le sujet pour l’objet. Il y existe donc une opération qui répartit objet et sujet, tout comme il existe un concept commun qui décide des rôles de Nature/Culture, ce que fait “humain” pour “homme” et “femme”.
Ainsi, l’expression "appartenir à la nature” n’aurait guère de sens car la nature n’est qu’un élément d’un groupe d’au moins trois: celui qui lui fait pendant, la culture et celui qui “répartit les traits” entre les deux. Le concept de Nature/Culture reste instable, sujet à contradiction et c’est la raison pour laquelle l’écologie fait paniquer.
La crise climatique et les mutations
Notion de Nature/Culture
Opposition climato-sceptiques et scientifiques
La science impacte les citoyens
Proximité de la science et de la citoyenneté
La science apporte une meilleure compréhension sur notre rapport
au monde
Une crise écologique en mutation
Un monde fou
La nature /culture
Convention citoyenne pour le climat
La Convention citoyenne pour le climat est une assemblée française de 150 citoyens tirés au sort organisé par le Conseil économique, social et environnemental (CESE). C’est une démocratie participative où chaque voix compte. Dans cette assemblée toutes les tranches d’âge, classes sociales, secteurs d’activité et régions sont représentés par soucis d’équité. Cette convention a été créé à la suite du « grand débat national » lancé par Emmanuel Macron et qui s’est déroulé du 15 janvier au 15 mars 2019, en réponse au mouvement des gilets jaunes. Durant ce grand débat, de nombreux sujets ont été traités dont la transition écologique. C’est ainsi que le Président de la République annonce à la suite de ce grand débat la création de la Convention citoyenne pour le climat car selon lui « le climat doit être au cœur du projet national et européen ».

Les propositions de mesures prises par cette Convention citoyenne pour le climat sont soumises au référendum, au vote du Parlement ou à application réglementaire directe. Elles sont appliquées « sans filtre », directement sans l’accord du gouvernement. Les citoyens de cette assemblée ont pour rôle de proposer une série de mesures afin de pouvoir diminuer d’ici 2030 d’au moins 40% par rapport à 1990 les émissions de gaz à effet de serre en France en concordance avec l’accord de Paris. Afin de répondre à cette lutte contre le changement climatique, ces 150 citoyens s’informent, débattent, auditionnent des experts pour apporter au mieux des solutions. Pour répondre à cela, les membres de la convention parte des attentes des Français au sujet de la transition écologique. Ils sollicitent tous les citoyens à participer à la formulation des propositions en faveur du climat.

Du 4 octobre au 21 juins 2020, la Convention citoyenne pour le climat a proposé 149 mesures en faveur du climat dont 146 ont été retenues. Ces mesures adoptées portent sur plusieurs thèmes tels que la consommation, la production, les déplacements, le logement et la nourriture. Aujourd’hui 75 de ces mesures sont déjà mises en œuvre et les 71 restantes qui sont en cours de mise en œuvre. Ainsi, la Convention citoyenne pour le climat a permis par exemple l’interdiction à partir du 1er janvier 2022 d’installer des chaudières au fioul ou à charbon mais aussi la création de deux parcs naturels régionaux au mont Ventoux et dans la baie de Somme ainsi qu’une réserve naturelle nationale en Alsace.
03/01/22
Le 25 avril 2019 Emmanuel Macron annonce la création de la Convention citoyenne pour le climat. 150 personnes, choisies au hasard représentant la diversité de la société française, sont réunies et débattent, décident, proposent au gouvernement des projets de loi afin de lutter contre le réchauffement climatique. Ces 150 personnes se sont réunies pendant sept sessions organisées par le CESE, le Conseil Economique Social et Environnemental (une institution constitutionnellement indépendante), entre octobre 2019 et juin 2020. Le 10 février 2021, les propositions de mesures élaborées par la Convention sont présentées au conseil des ministres.

L’idée de cette convention est née suite au débat national qui fait suite à de nombreuses manifestations des gilets jaunes. En effet, le GESE et le collectif « Gilets citoyens » proposent alors de créer cette convention. Divers sujets sont traités, tels que : les écono mies d’énergie, la rénovation thermique des logements, l’agriculture, les mobilités, la fiscalité éco logique… Après validation par le gouvernement, ces propositions de lois vont être validées soit par référendum, soit par le parlement ou bien par application réglementaire directe. La convention est organisée par le CESE. Un comité de gouvernance, d’experts techniques et juridiques et de professionnels y participent, tout comme trois médiateurs qui assurent la neutralité du débat. C’est une expérience démocratique inédite, qui vise à mettre en avant la parole des citoyens face à un problème sociétal important et urgent. Ainsi, différents projets de lois permettant « d’atteindre une baisse d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de justice sociale » sont élaborés. L’objectif est de créer un dialogue entre les citoyens et le gouvernement en mettant les citoyens au cœur des décisions, mais aussi de sensibiliser et de trouver des mesures sur la transition écologique (comme : en plaçant l’écologie au cœur du projet économique, en conciliant justice sociale et transition écologique, en réussissant l’aménagement du territoire et en responsabilisant chacun).

En juin 2020 a été proposé à la ministre du travail Elizabeth Borne par la convention 149 propositions de mesures. Sur ces 149 propositions, 3 ont été rejetées par le gouvernement. Les 146 restantes portent sur différentes thématiques : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger et se nourrir. Aujourd’hui, 75 mesures ont déjà été mises en
place et 71 sont en cours. Parmi les 75 mesures il y a notamment : la création du projet de loi climat et résilience, la modification de l’article 1er de la Constitution, le développement du plan France Relance, et la création de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire,
ou encore de la loi d’orientation des mobilités. Le CESE a mis en place un site internet permettant à tous de voir l’avancée de ces mesures (https://www.ecologie.gouv.fr/convention-citoyenne-climat suivez-lapplication-des-mesures-grace-au-site-dedie). Le gouvernement annonce une aide de 15 milliards d’euros pour la mise en œuvre des mesures (sur deux ans) et de la mise en place d’un fond de transformation écologie de l’économie française.
La Convention Citoyenne pour le Climat est une assemblée de citoyens français constituée en octobre 2019 par le Conseil économique, social et environnemental sur demande du Premier ministre français Édouard Philippe. Cette expérience démocratique inédite en France a pour but de libérer la parole des citoyens et citoyennes français pour accélérer la lutte contre le changement climatique. Son objectif étant de réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990, cela dans un esprit de justice sociale. Elle a été annoncée par le Président de la République française Emmanuel Macron à l'issue du grand débat national faisant suite à la proposition émise par le collectif des Gilets citoyens.
Qui sont-ils?

La Convention Citoyenne pour le Climat réunit cent cinquante personnes tirées au sort afin d’illustrer au mieux l’avis de l’ensemble des français. Elles ont de 16 à 80 ans, sont de toutes les régions, ont des niveaux d’études différents et sont issues de différentes catégories socio-professionnelles.
Comment travaillent-ils?
Les participants s’informent, débattent et préparent des projets de loi pour permettre de lutter contre le le changement climatique. Pour cela, ils se réunissent en six sessions de trois jours au au Conseil économique, social et environnemental de Paris, chaque session ayant un objectif fixé permettant de faire avancer le débat.
Afin de simplifier les échanges, les citoyens sont réunis dans des sous-groupes et sont accompagnés par des spécialistes du dialogue citoyen. Ils se répartissent en cinq groupes thématiques représentatifs des leviers d’actions à mener pour accomplir les objectifs de la convention: Se nourrir (alimentation et agriculture), Se loger (habitat et logement), Travailler et produire (emploi et industrie), Se déplacer (aménagement et transports), et Consommer (modes de vies et de consommation).
Quelles issues?
La convention a établi 149 propositions législatives et réglementaires. Le Président de la République s’est engagé à ce qu’elles soient soumises “sans filtre” soit à référendum, soit au vote du parlement, soit à application réglementaire directe.
Seules 10% des propositions (soit 15 propositions) ont été reprises par le Gouvernement sans modification, 53% des propositions (soit 79 propositions) ont été rejetées ou non appliquées et 37% des propositions (soit 55 propositions) ont été modifiées ou édulcorées.
Ces résultats sont sources de polémique car les citoyens ont placé un réel espoir en ces projets qui ne verront pas le jour pour la plupart où ont été trop édulcorés pour avoir un impact très significatif sur le changement climatique.
Bibliographie
Résumé de cours sur le Social design
18/02/22
Le design social est relié à une transformation politique, éducative et culturelle. Or, la culture est associée à l’art. La culture occidentale débute à Athènes, les grecs vouent des cultes à des muses, en en témoignent par la création de temples : des ‘mouseîon’. Ces ‘mouseîon’ étaient des entrepos contenant des bulletins de guerre, des objets de différentes cultures. Ces temples sont les premières formes de musée, les premiers centres culturels.
Ainsi, le design social est intimement lié au domaine de la culture, et permet des créer différents dialogues, grâce à divers outils sur différents acteurs.
Tout d’abord, le design social est le résultat de la création de corps de métiers permettant d’améliorer la démocratisation de savoir en créant un dialogue entre des objets culturels et le public, dans des espaces publics. Puis, il y a un aspect participatif crée par la proximité de l’artiste et du citoyen, dans la démarche ou par l’espace. Enfin, l’intimité des citoyens et du designer / artiste se fait aussi par la provocation, plutôt que la participation.


Deux pratiques d’exposition peuvent être différenciées. Il y a les lieux de culture qui sacralisent les œuvres, en les protégeant du grand public comme des ‘coffres-forts’ tel que la Joconde de Léonard de Vinci. Ceci s’appliquait énormément au 19e siècle mais l’est encore pour de nombreux musées encore aujourd’hui. Mais dans les années 90 se développe une nouvelle pratique, née de la volonté de rendre les lieux de culture plus attrayant, mieux accessible et plus compréhensible. La dimension profonde et sacrée de l’art disparait au profit de la compréhension du public. Les expositions sont de plus en plus scénographiées, la richesse des supports est mise en avant. Par exemple, au musée du quai branly, les réserves sont mises en scène (ce qui correspond au rôle du conservateur), les espaces sont scénographiés et scénarisés (rôle du muséographe ou du curateur) et des espaces d’accueil sont mis en avant pour créer des lieux de vie agréables et non seulement des centres d’art. Cependant, dans les années 80, Jack Lang, ministre de la culture, critique les espaces muséographiques et créer de nouveaux métiers, accentuant cette accessibilité de savoir. Ainsi, dans les années 1990 / 2000 est créé le médiateur culturel, développé à partir de fondements du design social. Le design social est relié à l’histoire et à l’éducation, et au territoire et au droit à la ville. La médiation culturelle est un mélange entre l’éducation et la politique éditoriale. Elle est à cheval entre le domaine culturel et le domaine social. Un médiateur peut être pédagogue, informateur, accompagnateur, et crée un lien entre le public et les objets culturels. Il crée des espaces de rencontres, entre le public, des citoyens, et les artistes. Il s’implante généralement dans des espaces publics.
A travers la création de métiers, le design peut permettre la facilitation d’accès à la culture aux citoyens.


































Le pilier du design social est l’aspect participatif, dans les espaces publics. Cet aspect est puisé dans un autre type de graphisme : le graphisme d’auteur. Grapus, fondateur de ce mouvement, s’inspirent des ateliers populaires de mai 68 pour créer des images simples, fortes, véhiculant un engagement politique, et de la réflexion, la prise de liberté et de parole des affiches polonaises, pour créer des affiches, dans des espaces publics, reflétant la société, par des images qui sont des signes. Ce type de graphisme aura une énorme influence, prônant une communication culturelle et politique, plutôt que commerciale, que prendra par la suite le design social. Ainsi, se développe des projets participatifs, où l’artiste dialogue avec le citoyen. Par exemple, Lucien Kroll et Patrick Bouchain ont réalisé une expérience participative : Patrick Bouchain développe la ‘permanence architecturale’ : dans des HLM rénovés au nord de la France, l’architecte vit un an avec les habitants. Au-delà de cette proximité entre artiste-citoyen (ici dans l’espace), une réelle volonté de participation se créée. Dans les années 90 est développé le mouvement d’urbanisme alternatif. Des architectes décident de leurs commanditaires, et développent le principe de co-production et de co-conception grâce au contact avec les habitants, comme le collectif Encore Heureux. Cependant, ce mouvement est critiqué car les habitants ne sont pas toujours écoutés.
Ainsi, il y a une volonté de mettre en lien les citoyens et les artistes à travers des dialogues, des immersions ou encore à travers des ateliers de co-production et de co-conception.

































Le social design développe différents aspects participatifs en s’inspirant de divers domaines et pratiques, comme le design thinking, outil qui favorise l’émergence d’idées et le managment et qui nourrit l’intelligence collective, ou encore le design fiction ou design critique. En effet il y a une volonté de ne pas faire seulement participer les citoyens mais il y a une volonté d’interagir avec eux en les provoquant. Le design fiction et le design critique s’appuient sur le développement de provotypes, empruntant des scénarios d’usage, qui provoquent une réaction du public. Ce sont en général des maquettes, des objets, qui s’appuient donc sur des scénarios futuriste crédible ou bien complétement fictif, faisant provoquer des citoyens ce qui les amène à débattre, comme par exemple en créant un atelier au Maroc pour questionner des retraités sur la fin de vie. En général, les scénarios sont développés à partir d’éléments de bases réels, de domaines sociétaux, politiques,… Par exemple, Archizoom, un collectif de designer et d’architectes, reprenant l’univers d’Archigram, crée des maquettes de faux espaces urbains rénovés, dans un futur utopique, créant des cellules de survie. L’objectif est que chaque participant donne son point de vue et développe un esprit critique. Le principe est donc de créer des mises en scènes dérisoires, qui obligent un public à réagir.
Ainsi, on fait réfléchir les citoyens non plus en les faisant participer en répondant à un problème réel mais en les provoquant et en les faisant débattre sur des scénarios.



























Le design social puise donc ses fondements dans divers domaines, comme l’architecture (urbanisme alternatif). Il y a une volonté de créer une proximité avec les citoyens, ce qui est rendu possible grâce au développement de plusieurs outils, comme la co-conception et la co-production, ou bien des provotypes qui provoquent, ou encore en démocratisant la culture à travers la médiation culturelle.

Dans le design social, les designers peuvent avoir comme rôle de faciliter la parole, de faciliter la transmission de savoirs, connaissances, de sensibiliser sur un sujet. Par le biais de divers outils, médiums, on peut favoriser le débat autour de divers sujets permettant ainsi une transmission de savoirs. A travers le débat, le designer facilite la parole et permet de prendre conscience de certains sujets actuels.

Il y a pleins de médiums possibles pour ouvrir le débat, favoriser les échanges. Le social design en plus de mettre en avant la question du débat, de la transmission de savoirs, elle met en avant la question de l’espace. En effet, le design social dans l’espace public permet de sensibiliser les citoyens, leur permettre de participer, collaborer ensemble dans un projet commun. C’est notamment le cas de Fabrication-Maison, une association. Ils invitent les gens qui n’ont pas forcément l’habitude du graphisme à co-concevoir à travers divers médiums, outils. Ce fut notamment le cas du projet Pile au RDV qui est un festival de quartier. Dans ce projet, ils ont invité des habitants de la ville à réaliser une fresque, une cartographie sensible. Ainsi, par le biais de la cartographie sensible, ils peuvent s’approprier leur espace, comprendre ce qu’il se passe autour d’eux. C’est principalement une manière de documenter, ce qui est important dans le social design. On peut voir aussi cette idée de cartographie chez le collectif Ne rougissez pas à travers un projet de cartographie sensible retranscrivant un débat. Pour rendre accessible cette cartographie, ils ont élaboré une série de signes qui permettent de revaloriser la parole de ceux qui étaient présents lors de ce débat. Cette cartographie est un peu comme une partition du débat.






























Dans le social design, on utilise notamment des médiums, moyens graphiques et plastiques simples comme par exemple les pochoirs, la sérigraphie, les pictogrammes, des moyens rudimentaires. Cela permet donc à des personnes ne travaillant pas dans l’univers du design, du graphisme, de participer, de concevoir, de créer, de débattre autour de questions. Ce sont des outils très normatifs, prédéfinis. En faisant contribuer les participants, on peut aussi parler de design thinking. A travers un dispositif, les participants peuvent se questionner, questionner leur rapport au sujet, leur donner envie de contribuer à la vie collective, à prendre part au débat. Cela permet aussi de favoriser les échanges dans les équipes, de débloquer des idées au sein de celles-ci. Le social design peut donc avoir le rôle de facilitation graphique en mettant par exemple au centre un dessinateur qui va permettre de structurer ce qui a été dit en temps réel par exemple lors d’une réunion. Le dessinateur note de manière synthétique et en image ce qui a été dit par le biais de schémas, pictogrammes. Le principe de facilitation graphique a notamment vu le jour avec David Sibbet (Design as a function of management, 1951, Design Management Institute, 1971). Il impose le fait que le design facilite le process en entreprise.

D’autres formes de social design sont aussi apparus pour faciliter notamment le dialogue entre les gens. C’est le cas du principe d’Art sport, qu’a repris notamment l’association Gongle. Ils ont repris le principe du football avec ses règles de jeu. En reprenant les règles du football, ils essaient de faire comprendre l’administration aux sans-papiers pour les aider notamment dans leurs démarches administratives. Ils ont aussi organisé un match de football entre des habitants, des élus et promoteurs. Cela a permis de diagnostiquer les besoins des habitants, de définir ensemble leurs besoins grâce à un dialogue entre les différents acteurs concernés. C’est une atmosphère de rencontre autour d’un sport. Ils se sont inspirés de la tifologie où l’on peut voir que l’organisation est spontanée et où les supporters font ressurgir des messages politiques pour ainsi créer le dialogue entre les différents acteurs. Ces matchs de football créent de la réaction pour ainsi ouvrir le débat, le dialogue. D’autres moyens permettent de créer une réaction, du débat. A travers le design fiction et les provotypes, on peut provoquer de la réaction notamment grâce à des scénarios qui prennent une place importante dans le débat, le dialogue. Le provotype a notamment une fonction ludique il permet de créer un débat grâce à son utilité, ce à quoi il est destiné. Le débat est amené grâce à des histoires fictives en lien des fois avec le provotype.










































Ces pratiques participatives du social design existent depuis un bon moment. Au niveau de la simplicité graphique voulue, ils se sont inspirés pour la plupart des ateliers populaires de 68, du graphisme d’auteur avec par exemple Grapius. Ce sont des images simples mais à la fois fortes qui collent avec la volonté de faciliter et de créer un dialogue entre diverses personnes. Ils sont influencés par la pensée de cette période où les images étaient des signes à part entière et reflétaient une société. Cela fait depuis un certain temps qu’on fait participer les habitants dans divers projets. Ils se sentent ainsi impliqués et s’ouvrent plus facilement au dialogue. Ce fut notamment le cas avec Kroll et Patrick Bouchain, des architectes. Patrick Bouchain, lui, a fait une permanence architecturale. Il a vécu un an avec des habitants d’un HLM du nord de la France dans l’optique de le rénover avec l’accord des habitants, selon leurs envies, ce qu’ils souhaitent avoir au niveau architectural pour leurs logements. Avec une permanence d’un an, le dialogue est plus facile, il est au plus proche des résidents, il comprend mieux leurs besoins.
Petit à petit, la question de l’espace prend plus de place.

Des collectifs d’architectes voient le jour et s’installent notamment dans des squats, des immeubles à l’abandon pour certains. Ils veulent avant tout trouver des moyens de transformer l’espace urbain collectif. Ce fut notamment le cas du Collectif Etc. Ils ont transformé des espaces industriels en espace de vie pour les habitants, notamment liés à la gentrification. Ils font surtout de l’urbanisme alternatif. C’est aussi le cas de d’autres collectifs comme Bruit du frigo ou bien Encore heureux.

Le design social met au service des individus des outils graphiques pour faciliter et encourager les échanges d’idées. Il implique la plupart du temps des moyens rudimentaires et spontanés empruntés au graphisme d’auteur, comme l’usage de linéales étroites en capitales (le caractère “rue” par exemple). Il est souvent vernaculaire et maladroit. C’est cette simplicité graphique (techniques et formes simples) qui permet de libérer le geste des participants, lesquels se sentent plus légitimes de participer à cet échange sans avoir à se soucier de leurs compétences graphiques ou artistiques.


















Le designer/graphiste inclut les individus dans une démarche de co-conception innovante. Il encadre les participants sans décider à leur place afin de laisser s’exprimer leur intelligence collective. Ainsi, le design social peut s’appliquer à différents champs de conception (architecture, édition, design d’objet…) et prendre différentes formes (design thinking, cartographie, serious game…).

Voici quelques exemples de son application.

Le Design thinking

Le Design thinking apparaît dans la silicone valley avec pour but de faciliter l’idéation et les méthodes de conception. Il se présente le plus souvent sous forme de schémas. David Sibbet (auteur spécialisé dans la simplification visuelle d’informations) développe une facilitation basée sur les degrés d'iconicité permettant de noter des idées partagées en gardant une certaine cohérence.
















On peut définir le design thinking en cinq étapes: l’empathie, la définition de la problématique, l’idéation, le prototypage, et le test. Cette méthode est cependant critiquée car considérée comme un outil trop marketing.

Le Design fiction et le provotype

Le but du design fiction et du provotype est de provoquer une réaction, qu'elle soit de l’ordre du rire, de la surprise ou du questionnement. L’usager est plongé dans un univers qui n’est pas forcément réaliste, mais provoque. Ainsi, le scénario est plus important que la forme.
C’est la méthode utilisée par la coopérative Où sont les dragons qui associe le design et la recherche en sciences sociales. Lors de son expédition de recherche avec la Fing, elle s’est appuyée sur un jeu de rôle interactif pour faire émerger de nouveaux scénarios pour les crises à venir. Les participants étaient ainsi plongés dans différents scénarios passés et futurs et y cherchaient des solutions de façon collective.


















Le serious game

L’exemple du projet d’Où sont les dragons pour la Fing entre également dans la catégorie des serious games.
Le serious game, comme son nom l’indique, a pour but de transmettre ou partager des connaissances, des informations ou de faire émerger des idées, cela de façon ludique.
C’est justement la méthode sur laquelle je me suis appuyée lors de la création de mon jeu de plateau pour la journée médiation sur le thème des énergies.
Les trois participants répondent à des questions relatives aux énergies pour pouvoir avancer dans le jeu. En plus de cela, ils sont amenés à réfléchir sur la pertinence de leurs choix lors de la construction de leur ville. Ils sont pour cela encouragés à travailler ensemble pour satisfaire un maximum leurs besoins énergétiques, environnementaux et sociaux. Par conséquent, ils apprennent et échangent des points de vue en s'amusant. C'est une méthode qui peut aussi permettre de mieux retenir les informations.

















L’Art sport

L’Art sport est une méthode de réflexion qui s’inspire du sport. L’association Gongle s’en est inspiré pour vulgariser les démarches administratives compliquées auxquelles les sans-papiers doivent faire face afin de les guider. Elle a repris les codes du football et ses règles et se les est appropriées pour favoriser l’échange entre différents acteurs. Elle s’est également servie de la tifologie (messages affichés dans les stades de football) pour créer des banderoles spontanées et revendicatrices avec les habitants. Ces dernières permettent à chacun de défendre son idée et font émerger un potentiel dialogue ou une réaction.